Se nourrir de la frustration !

Il fut un temps où les hiérarchies du football étaient gravées dans le marbre, un temps où les surprises n’étaient que des accidents fugaces dans un paysage immuable. C’était l’époque où Gary Lineker, avec la lassitude de ceux qui ont trop perdu contre les mêmes, avait lâché cette phrase devenue maxime : « Le football est un sport qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne. »

 

Il y a dans cette sentence un goût de fatalité, une frustration érigée en fatalisme. Ce n’est pas toujours une question de talent, ni même de domination. C’est une question de mécanique implacable, de confiance bâtie sur des décennies de victoires, de certitudes inébranlables face à l’incertitude du jeu. Longtemps, en Europe, l’Allemagne a incarné ce rouleau compresseur. Sur le continent africain, ce rôle semble revenir, inlassablement, aux clubs du nord.

 

Mercredi soir, au stade Félix Houphouët-Boigny, c’est précisément cette frustration qui a envahi les tribunes et les cœurs. Un sentiment diffus, à la fois familier et exaspérant, celui d’avoir tout donné sans rien obtenir. Face au nouveau champion marocain, notre équipe a pris le jeu à son compte, a multiplié les offensives, a flirté avec le but sans jamais le conquérir. Et puis, comme un mauvais refrain que l’on connaît par cœur, un instant d’inattention, une faute évitable, un carton rouge évitable... et la punition. À la fin, ce sont eux qui gagnent.

 

Que reste-t-il après cela, sinon ce goût amer, cette impression de gâchis ? Mais il faut aussi voir la frustration comme un moteur, un feu intérieur qui, bien dirigé, peut tout renverser. Ce but d’écart n’est pas une fatalité. L’histoire du football regorge de retournements de situation nés d’un sentiment d’injustice. Mercredi prochain, à Berkane, il faudra reproduire ce match, avec la même intensité mais avec plus de justesse, avec la même audace mais avec plus de précision. Peut-être que, cette fois, les ballons capricieux trouveront enfin leur chemin vers les filets. Peut-être que, cette fois, la hiérarchie sera renversée. Peut-être que, cette fois, la frustration changera de camp.

 

Benoît YOU 

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