Ce titre est l’histoire d’un combat collectif et d’une passion partagée
Interview -bilan avec Mariétou DJIBO N’ZI (Présidente de la section football féminin)
L’équipe
féminine de l’ASEC Mimosas a terminé le championnat de D1 à l’issue d’une
impressionnante saison où elle a fait une razzia (Championne, meilleure équipe
de D1, meilleure attaque et défense, le trio de meilleures buteuses avec
Habibou OUÉDRAOGO (39 buts), Nadège N’GUESSAN (37 buts) et Ami DIALLO (34
buts).
Seulement deux saisons en D1
féminine et les vice-championnes 2023-2024 ont été sacrées championnes de D1 de
Côte d’ivoire saison 2024 -2025. Un parcours brillant couronné de plusieurs
titres sur lesquels Mariétou DJIBO N’ZI, Présidente de la section revient dans
cette interview-bilan.
Objectif atteint, championne de Côte d’Ivoire, quels
sentiments vous animent ?
C’est une profonde fierté qui m’anime aujourd’hui. Cette
victoire est l’aboutissement d’un travail collectif, rigoureux et passionné.
Derrière ce titre, il y a des mois d’efforts, de doute parfois, mais surtout
une détermination sans faille des joueuses, du staff, et de toutes les
personnes qui nous soutiennent dans l’ombre. Je ressens aussi une immense
gratitude. Gratitude envers nos familles, nos supporters, nos partenaires, et
toutes celles et ceux qui croient en nous depuis le début. Ce sacre est autant
le leur que le nôtre. Enfin, beaucoup d’émotion parce qu’au-delà du trophée,
c’est une aventure humaine exceptionnelle que nous vivons.
Que représente ce titre pour vous personnellement, et pour
le club ?
Ce titre représente bien plus qu’une victoire sportive.
C’est une consécration et une fierté immense. Personnellement, c’est
l’illustration de l’engagement et de la passion investis depuis le premier
jour. Et, pour le club, c’est une page d’histoire qui s’écrit. Il s'agit de
notre tout premier titre après notre retour dans l’élite du football féminin
ivoirien, celui qui ne s’oubliera jamais. Il symbolise la naissance d’une
nouvelle ère, la reconnaissance de notre potentiel et l’espoir de nombreux
autres succès à venir.
Quelle a été, selon vous, la clé du succès cette saison ?
Notre succès repose sur plusieurs piliers essentiels.
D’abord, l’unité de notre groupe. Nous avons bâti une vraie
famille, où chacune des joueuses connaît sa valeur et celle de l’autre. La
solidarité, la discipline et la confiance mutuelle ont été fondamentales.
Ensuite, le travail acharné. Rien n’a été laissé au hasard. Enfin, la passion.
Chaque membre de l’équipe, des joueuses aux dirigeants, est animé par l’amour
du football et par un ardent désir de faire honneur à nos couleurs.
Comment avez –vous vécu cette saison, la 2e en
D1 couronnée par ce titre rempli de symbole ?
Cette deuxième saison en D1 a été intense, exigeante mais
surtout profondément enrichissante. Après une première année d’apprentissage,
nous avons su tirer les leçons, renforcer notre organisation et affirmer notre
ambition. Ce titre n’est pas simplement une récompense, c’est le fruit d’une
confiance retrouvée et d’une équipe soudée autour d’un même rêve. Le vivre avec
l’ASEC Mimosas, un club chargé d’histoire, rend cette consécration encore plus
émouvante pour moi.
L’année dernière, l’équipe termine vice-championne. Quelles
orientations avez-vous mises en place en début de saison pour restructurer la
section féminine ?
Après avoir terminé vice-championnes la saison dernière, il
était essentiel de transformer cette frustration en énergie positive. On a
repensé notre fonctionnement en profondeur : renforcer notre effectif,
effectuer une meilleure préparation et miser sur la cohésion. L’objectif était
clair : bâtir un collectif fort et déterminé. Aujourd’hui, cette vision a porté
ses fruits, nous en sommes heureux.
Le recrutement et l’encadrement technique ont-ils joué un
rôle central dans cette réussite ?
Oui bien évidement, le recrutement a joué un rôle central,
car c’est souvent une condition essentielle à la performance et à la pérennité
d’une équipe. Il faut noter que la saison précédente, le coach Gigi est
arrivé quand le championnat avait démarré, il a dû composer avec une équipe
moins bien préparée. Cette saison, nous nous sommes données les moyens d’une
meilleure préparation d’avant saison. La pré-saison a été faite avec beaucoup
de sérieux et le staff technique a été renforcé. Il faut noter que les filles
se sont battues avec leurs tripes parfois pour gagner certains derbies. Je
tiens à préciser que le coach Gigi est le seul entraîneur du club
champion avec l’équipe masculine et l’équipe féminine, cela démontre du sérieux
qui a été mis pour atteindre ces résultats.
Quel a été l’apport de la Direction Générale de l’ASEC
Mimosas dans le développement de la section féminine ?
La Direction Générale dirigée par Benoit YOU a joué
un rôle clé dans la structuration et la montée en puissance de notre section.
Son soutien stratégique et logistique a permis de professionnaliser nos
activités, d’améliorer les conditions de travail des joueuses et de donner au
football féminin toute sa place au sein du club.
Comment avez-vous perçu le soutien des Actionnaires et du
public tout au long de la saison ?
Le soutien des Actionnaires a été exceptionnel. Leur
présence, leur ferveur et leur encouragement ont porté l’équipe dans les
moments clés. Ils ont été un véritable moteur, sur et en dehors du terrain, et
ont grandement contribué à notre réussite cette saison. D’ailleurs au nom de
l’équipe féminine je remercie chaleureusement chacun des Actionnaires, le CNACO
et le Mur Jaune. A titre personnel, j’exprime ma reconnaissance au responsable
CNACO zone sud, André Miessan NOGBOU, et Ali ELAYAN, le
responsable du Mur Jaune ainsi que leurs proches collaborateurs qui ont
sillonné la Côte d’Ivoire à nos côtés. Les chants du mur jaune sont
parfaitement maîtrisés par nos athlètes.
Quelles sont vos plus grandes satisfactions de la saison ?
Ce sacre est avant tout le fruit d’un travail collectif,
d’une saison marquée par la rigueur, la solidarité et le dépassement de soi. Ma
plus grande satisfaction, c’est d’avoir vu nos joueuses progresser, rester
unies et déterminées jusqu’au bout. Je tiens à remercier particulièrement notre
PCA, Maître Roger OUEGNIN pour sa confiance et son engagement constant,
qui ont été un véritable moteur. Et bien sûr, je salue le courage, le talent et
la combativité de nos joueuses, qui ont porté haut les couleurs du club.
Une saison en D2 en 2023, puis promue en D1 (2023-2024)
avec à la clé une 2e place honorable, l’équipe réalise en 22 matchs,
17 victoires, 2 matchs nuls et 3 défaites dont 1 sur tapis vert, 106 buts
inscrits contre 10 encaissés. Cette saison, elle fait beaucoup mieux, 26
matches, 25 victoires, 172 buts inscrits et 3 encaissés, 23 clean sheets. Vous
attendiez-vous à une telle performance pour une jeune équipe qui a, à peine
deux années d’existence ?
Je vais être honnête lorsque nous avons été promues en D1,
nous avons recruté de bonnes joueuses mais nous ne les connaissions pas
réellement. Nous avons organisé des détections à Sol Béni et c’est au terme de
celles-ci que nous avons mis en place notre équipe. L’objectif a toujours été
le titre même si peu de personnes y croyait. C’est au fil des matchs que nous
avons connu nos adversaires malgré cela nous avons terminé 2e avec
en prime la meilleure attaque et la meilleure défense. Cette saison avec les
renforts effectués, nous savions que le titre était à portée de main mais, il
fallait faire preuve d’humilité car le football reste une science inexacte. Je
ne suis donc pas surprise des résultats obtenus au vu de la qualité de notre
effectif et de la préparation de pré-saison. Ces résultats ne sont pas le fruit
du hasard, ils sont le reflet d’un engagement collectif, d’une foi en notre
projet, et d’un amour profond pour ce maillot. Je remercie toutes mes
guerrières de m’avoir fait vivre ce moment. Je les félicite.
Quelle importance accordez-vous à ce titre ?
Ce titre de championne de Côte d’Ivoire 2025 a une valeur
immense pour moi, bien au-delà du sport. C’est un rêve devenu réalité, une
fierté indescriptible. Je pense à toutes les épreuves traversées, aux
sacrifices consentis, aux doutes surmontés… et surtout à cette équipe de femmes
extraordinaires qui ont cru jusqu’au bout en notre potentiel. Ce titre est
l’histoire d’un combat collectif, d’une passion partagée, et d’un rêve que nous
avons su transformer en victoire. Un triomphe avec une saveur particulière, vu
la manière dont nous l’avons obtenu et avec des records de performances
exceptionnels (172 buts marqués contre 3 encaissés, les 3 meilleurs buteuses du
championnat, la meilleure défense et la meilleure gardienne). C’est aussi une
pensée pour mon père (Ndlr: Dr Lamine DJIBO ex- président de la section
football de l’ASEC Mimosas et responsable de la SCI Sol Béni), qui m’a transmis
l’amour du football. Je sais qu’il est fier de ce que nous avons accompli, de
là où il se trouve.
Peut-on dire que vous êtes animée d’une réelle volonté de
vouloir marcher sur les traces de votre défunt père ?
Absolument. Marcher sur les traces de mon défunt père n’est
pas seulement une volonté, c’est un engagement profondément ancré en moi. Il a
été un homme visionnaire, passionné de football, dévoué à l’ASEC Mimosas et à
la promotion de l’excellence. Au-delà de son rôle de dirigeant, il m’a transmis
des valeurs de rigueur, de loyauté, d’amour du sport et de fidélité à
l’institution. Aujourd’hui, chaque action que je mène dans le monde du
football, et particulièrement au sein de notre club, est un hommage à son héritage.
C’est une manière pour moi de faire vivre sa mémoire, tout en apportant ma
propre contribution à cette grande aventure humaine et sportive.
Comparativement à l’année dernière, quels commentaires
portez-vous sur la saison 2024-2025 du championnat féminin de D1 en général ?
D’abord sur le plan sportif, nous avons su tirer les leçons
de notre statut de vice-championnes pour bâtir une équipe plus solide, plus
soudée et plus ambitieuse. Ce travail de fond nous a permis de décrocher le
titre de championnes de Côte d’Ivoire avec détermination et constance. Ensuite,
cette saison a été celle de la confirmation de notre vision, celle d’un
football féminin structuré, compétitif et respecté. L’implication des joueuses,
le travail du staff technique et médical, le soutien du personnel de l’ASEC
Mimosas, le soutien des supporters et l’accompagnement du Conseil
d’Administration avec à sa tête le PCA Me Roger OUEGNIN, le 1er
Vice-président Francis OUEGNIN, le 3e vice président Éric
DJIBO, la Direction Générale avec Benoît YOU, le président du CNACO,
TAYORO Franck-Timothée, tous ont joué un rôle déterminant dans nos
résultats. Enfin, au-delà du palmarès, c’est l’état d’esprit. Celui du
dépassement, de la résilience et du progrès continu qui nous rend fiers. Nous
avons grandi en maturité, en rigueur et en ambition. Cette saison 2024-2025
n’est pas qu’une réussite sportive, c’est une avancée décisive dans la
construction d’un projet durable.
Maintenant que le titre est acquis, quels sont les
objectifs à court et moyen termes ?
Remporter le championnat national a été une étape
importante, mais ce n’est qu’un début. À court terme, notre priorité est de
bien représenter la Côte d’Ivoire sur la scène continentale, notamment lors de
la prochaine Ligue des champions féminine de la CAF. Cela implique un travail
rigoureux sur la préparation de l’équipe, le renforcement de certains postes
clés, et la mise en place de stages intensifs pour hausser notre niveau de
compétitivité. À moyen terme, notre ambition est claire : installer durablement
le club au sommet du football féminin ivoirien. Enfin, nous souhaitons
également consolider nos partenariats afin de les rendre plus solides et
durables.
Lors du déjeuner à l’honneur des Championnes, vous avez dit
dans votre discours que : « L’équipe féminine de football ne s’arrêtera pas là.
L’Afrique nous attend. Demain, nous nous dépasserons. » A quoi devons-nous,
nous attendre dans ce dépassement de soi pour affronter l’Afrique ?
Effectivement, lors du déjeuner j’ai dit que nous ne nous
arrêterions pas là, et je le pense profondément. Ce dépassement de soi dont je
fais allusion signifie que chacune des filles donnera plus que 100 %, pas
seulement en technique ou en tactique, mais en cœur, en solidarité et en
courage. Affronter l’Afrique, c’est honorer notre parcours, représenter notre
club, notre nation avec fierté, et montrer que notre victoire n’est pas un
hasard, mais le fruit d’un travail acharné. Alors oui, l’Afrique nous attend…
Nous essaierons d’écrire une nouvelle page de notre histoire.
En tant que femme dirigeante dans un environnement encore
très masculin, comment vous sentez-vous ?
Je vis une expérience aussi exigeante qu’enrichissante. Il
y a des jours où je me sens portée par une force immense, par la conviction que
ma place ici est légitime, que ma voix compte, que mon regard apporte quelque
chose de différent et de nécessaire. Et il y en a d’autres où je ressens le
poids des attentes, des jugements silencieux, des remises en question qu’on
n’impose pas toujours à mes homologues masculins.
Ce n’est pas toujours facile de faire sa place, de
s’imposer sans renier sa personnalité, de montrer qu’on peut être ferme sans
être perçue comme dure, qu’on peut être sensible sans être jugée faible. Mais
chaque victoire, me rappelle pourquoi je suis là, parce que je sais que je ne
suis pas qu’une femme à ce poste : je suis un repère, un espoir, une preuve que
c’est possible.
Avez-vous un appel à lancer aux partenaires ou aux
autorités compétentes pour soutenir davantage le football féminin ?
Oui, bien sûr. En tant que présidente de l’équipe féminine
de l’ASEC Mimosas, je suis témoin chaque jour de l’immense potentiel que
représente le football féminin en Côte d’Ivoire. Nos joueuses font preuve d’un
engagement exemplaire, d’un talent remarquable et d’une soif de réussite qui
méritent d’être soutenus à la hauteur de leurs efforts.
Nous avons remporté le championnat cette saison, mais ce
succès ne doit pas masquer les défis quotidiens auxquels nous faisons face. Le
chemin est encore long. J’en appelle aux entreprises et à tous les partenaires
potentiels : venez aux côtés de l’ASEC Mimosas. Investir dans le football
féminin, c’est investir dans l’avenir, dans l’égalité des chances, dans des
jeunes filles qui croient en leurs rêves et les défendent sur le terrain. Le
football féminin ne demande pas de traitement de faveur. Il demande simplement
les moyens de se développer avec équité pour qu’il devienne une vraie fierté
nationale.
Je ne peux terminer cet entretien sans remercier tous les
partenaires qui nous ont accompagnés dès le début de cette aventure et qui ont
cru en notre jeune équipe. L’histoire continuera de s’écrire.