Je pars avec un petit pincement au cœur …

Interview avec KABORE Moïse Elohim (Ex-attaquant de l’ASEC Mimosas)

L'ex-attaquant des Jaune et Noir, KABORE Moïse Elohim, formé à l'Académie MimoSifcom est récemment transféré au Hammarby IF en Suède pour entamer sa carrière professionnelle, qu'il aborde avec un enthousiasme certain. Avant de s'envoler vers cette nouvelle étape de sa vie, il a pris le temps de se remémorer ses années passées à l'ASEC Mimosas, tant en formation qu'en équipe première. Interview.

 

Peux-tu revenir sur ton entrée à l’Académie MimoSifcom et sur tes premiers souvenirs en tant que jeune joueur ?

Je me souviens comme si c’était hier de mon entrée à l’Académie MimoSifcom. C’était le 3 septembre 2018, en compagnie de joueurs comme TOURE Bazoumana et DJORO Awaka etc. Nous étions au total 12 jeunes à faire nos premiers pas à l'Académie MimoSifcom ce jour-là. Pour nous, c’était une véritable chance d'intégrer ce centre de formation prestigieux, pour nous perfectionner et nous donner les meilleures chances de réaliser notre rêve d'enfant : aller faire fructifier notre talent en Europe.

Comment s’est déroulé le processus de sélection pour intégrer l’Académie MImoSifcom ?

Je ne sais pas comment cela s’est passé pour les autres, mais en ce qui nous concerne, c’était un peu différent. Étant nombreux, le processus a pris du temps, environ un an, avant d’intégrer véritablement l’Académie MimoSifcom. Nous venions tous les mercredis et samedis, parfois même les dimanches, pour nous entraîner. Cela s'appelait "école de foot". À l’issue du stage final, 12 joueurs sur 20 ont été retenus. Bien entendu, je faisais partie des 12 sélectionnés, aux côtés de TOURE Bazoumana, DJORO Awaka et d’autres.

Quelles ont été les étapes marquantes de ton parcours qui t’ont permis d’intégrer l’équipe professionnelle ?

Avant d'intégrer l’Académie MimoSifcom, j'avais été ralenti par une petite blessure, ce qui a fait que je n'ai pas commencé en même temps que les autres. Après ma guérison, j’ai repris avec les U14, et là, j’ai commencé à marquer des buts. L'année suivante, en U16, les mêmes soucis sont réapparus. En réalité, il s’agissait d’une blessure liée à la maladie d'Osgood (une douleur aux adducteurs liée à la croissance). Cela m’a énormément fatigué, au point que je n'ai pas pu débuter à temps avec les U16. Lorsque je suis revenu de blessure, ça a été compliqué car j'avais pris quelques kilos en plus.

C’est à ce moment-là que la pandémie de Covid-19 est survenue, nous obligeant à rester confinés à la maison pendant environ 7 mois. Pour ceux qui connaissent Koumassi Seweto, où je vis, lorsque ma blessure a commencé à guérir, j’ai profité du sable en bordure de l’eau pour m’entraîner. Cela m’a permis de retrouver mon meilleur niveau lorsque les activités ont repris à l’Académie MimoSifcom, après la Covid-19.

À notre retour, nous avons directement intégrés les U17. Lors de notre premier match officiel, j’ai inscrit un quadruplé, ce qui a rassuré nos encadrants. Ensuite, nous sommes partis en tournée européenne, où j'ai terminé meilleur buteur. Le coach Julien CHEVALIER, qui avait suivi notre parcours et mes performances, nous a demandé, à Bazo, Awaka et moi, de rejoindre le groupe professionnel. Une réunion a eu lieu à ce sujet entre le coach Benoit YOU, qui nous avait entraînés en U14, le coach Pascal THEAULT, qui nous avait fait confiance en nous intégrant à l’Académie, et Julien CHEVALIER, l’entraîneur de l’équipe professionnelle. À l’issue de cette réunion, nos encadrants ont décidé de nous promouvoir, avec Tidiane SIAKA, Malick YALCOUYE et YAMEOGO Abdoul Kader.

Quelles valeurs et principes t’ont été inculqués à l’Académie MimoSifcom qui t’accompagnent encore aujourd’hui ?

« Reste humble, si tu veux devenir grand », ce slogan de l'Académie MimoSifcom, affiché à l'entrée d’une des salles de classe, est un message fort qui mérite d’être suivi. C’est tout un enseignement. Mais il y a aussi une autre valeur qui n'est pas toujours assez soulignée : « se battre et se battre… ». À l’Académie MimoSifcom, on t’enseigne l’esprit de la lutte. On te montre les objectifs que tu dois atteindre, et on t’apprend à te donner les moyens nécessaires pour y parvenir. Ces valeurs sont immuables et chacun doit s’en nourrir. Pour ma part, je considère que c'était une véritable grâce d’intégrer l’Académie MimoSifcom. Je reste infiniment reconnaissant envers Dieu et envers les dirigeants qui m’ont donné cette chance.

Comment as-tu vécu ton passage de jeune formé au club à joueur de l’équipe professionnelle ?

Nous avons été promus en août 2022. Je dois avouer que ce ne fut pas facile. Nous étions encore très jeunes et avions souvent l’esprit à l’Académie MimoSifcom, où nous n’étions pas sous pression et où les choses étaient différentes de ce que l’on retrouve chez les professionnels. C’était comme si nous arrivions dans un tout autre monde. Nous avons rapidement compris que le football n’était pas aussi simple qu’on le croyait. En face, il y avait des défenseurs très imposants avec qui, il fallait lutter. Pourtant, j’étais heureux d’être à ce niveau, excité à l'idée de suivre ce parcours et de m’aguerrir davantage.

Déjà à ce stade, quel avait été la réaction de tes parents de savoir que tu poursuivais si bien ton rêve de devenir football professionnel ?

Pour les parents, voir leur fils atteindre ce niveau est forcément une grande fierté. Les miens en étaient particulièrement fiers. Beaucoup de jeunes, malgré leur talent, n’ont pas eu la chance que j’aie eue d'intégrer l’Académie MimoSifcom et de prétendre ensuite à l’équipe professionnelle. Quand je parle de grâce, c’est parce que je n’étais pas le plus talentueux de ma génération, mais il y a sans doute eu ce petit détail, ce coup de chance, qui a poussé le coach Julien CHEVALIER à me faire appel pour rejoindre l’équipe professionnelle.

Quels sont les moments les plus mémorables que tu as vécus avec l’équipe première ? Une saison, un match ou un but qui t’a particulièrement marqué ?

J’ai vécu de nombreux moments mémorables en équipe professionnelle, pour lesquels je suis très reconnaissant. Mais si je devais mettre en avant un souvenir particulier, ce serait un but que j’attendais depuis longtemps. En tant qu’attaquant, c’est notre rôle de marquer. Peu importe la qualité de vos matchs, cela ne suffit pas si vous ne trouvez pas le chemin des filets. Ce but est arrivé lors d’un match de Coupe nationale, au stade Champroux, contre l’Entente Sportive de Bingerville. Je commençais sur le banc, mais j'avais la conviction que si je rentrais, je marquerais. J’avais d’ailleurs partagé cet optimisme avec Kardioula MOFOSSE, assis à mes côtés. Cinq minutes après mon entrée en jeu, SACKO Seydou m’a adressé un ballon parfait dans l’intervalle. À la sortie du gardien, j’ai piqué le ballon pour inscrire le 3e but de mon équipe, qui menait déjà 2-0. J’avais passé des nuits blanches à rêver de ce premier but en professionnel, et il est arrivé lors d’un grand match. Il est inutile de décrire la joie immense que j’ai ressentie, un événement que j’attendais depuis si longtemps.

Quels encadrants du club ont le plus contribué à ton développement et pourquoi ?

À l’Académie MimoSifcom, il y a un formateur exceptionnel, Pascal THEAULT. C’est une véritable chance de l’avoir à l’ASEC Mimosas. Partout où j’irai, je serai fier de dire que j’ai été formé par cette icône de la formation. Il nous a énormément appris. Je ne peux pas oublier non plus le coach Benoît YOU, qui nous a dirigés à 14 ans. Nous avons également eu les coachs Pacheco et Franck, ce dernier étant celui qui nous a pris en charge avant notre intégration dans l’équipe professionnelle. Franck a été un excellent coach pour moi, car il m’a vraiment motivé. Bien que je ne puisse pas citer tous les entraîneurs, il est important de souligner que chacun d’eux a contribué à mon développement.

Quelles émotions ressens-tu au moment de quitter ton club formateur pour cette nouvelle aventure européenne ?

Je ressens une certaine tristesse à l'idée de quitter ma "maison" après six années passées sans interruption, si je puis m’exprimer ainsi. Lorsque je parle de ma maison, c’est parce que l’ASEC Mimosas a été le lieu où j’ai vraiment fait mes premiers pas dans la formation, bien que je sois issu d’un petit centre de quartier. Je me suis tellement habitué à ce cadre structuré. Mais, que voulez-vous ? Le football professionnel fonctionne ainsi, et c’est la vie. C’est un rêve d’enfant qui se réalise, ce qui explique la joie que je ressens. Je sais que je quitte mon cadre de vie habituel, mais je suis aussi conscient que je pars vers un avenir meilleur.

Quels sont tes objectifs personnels et collectifs pour cette nouvelle étape de ta carrière ?

Sur le plan personnel, les objectifs que je n’ai pas pu atteindre ici avec l’équipe professionnelle de l’ASEC Mimosas, je veillerai à les atteindre dans mon nouveau club. Je vais me donner les moyens de marquer davantage de buts et d’élever mon équipe vers de nouveaux sommets. Cela se fera, car je suis extrêmement motivé à l’idée d'atteindre cet objectif. La Bible nous enseigne que la fin d’une chose vaut mieux que son commencement. J’ai encore le temps de m’affirmer et de réaliser ce que je me suis fixé.

Que retiens-tu de ton passage dans ce club ASEC Mimosas qui t’a vu grandir ?

Honnêtement, les mots ne suffiront pas. L’ASEC Mimosas, tout comme Sol Béni, fait désormais partie de ma vie. Une école de vie, je dirai. À chaque passage à Abidjan, je n’hésiterai pas à revenir me ressourcer à Sol Béni et à saluer tous ceux qui m’ont aidé à franchir un cap.

Quel sentiment éprouves-tu en sachant que tu suis les pas de tes devanciers à Hammarby IF, KOSSONOU Odilon, Mohamed Aziz OUATTARA, Lué BAYERE Junior et recensement TOURE Bazoumana ‘’Bazou’’, tous formés à l’Académie MimoSifcom ?

Je ressens une motivation supplémentaire. Hammarby IF est comme une seconde maison pour moi après l’ASEC Mimosas, un club qui a accueilli avec succès plusieurs joueurs mimosas. Les liens d’amitié entre les deux clubs sont très solides, et je n’ai aucun doute que je serai bien accueilli et que je m'intégrerai rapidement. Mon objectif est de contribuer à pérenniser la bonne image des joueurs formés à l’ASEC Mimosas.

Quel message souhaites-tu adresser aux jeunes joueurs qui, comme toi, rêvent d’évoluer un jour en équipe professionnelle de l’ASEC Mimosas ?

Mon message est très simple : tout donner. Se battre chaque jour. J'aime d’ailleurs beaucoup cette phrase du coach Pascal THEAULT, qu'il nous répétait sans cesse à l’Académie MimoSifcom : "Quand tu es sur le terrain, joue comme si c'était ton dernier jour…", nous disait-il. Les jeunes doivent croire en eux, croire en Dieu, et tout donner dès qu’ils en ont l’opportunité pour réussir.

Qu’aimerais-tu dire aux supporters qui t’ont soutenu tout au long de ton parcours ici ?

C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. Je tiens donc à leur dire merci du fond du cœur pour tout ce qu’ils ont fait pour moi. Je pars avec un petit pincement au cœur, car je n’ai pas encore pu leur rendre tout ce qu’ils m’ont donné. Mais qu’ils continuent à croire en moi, car de là où je serai, je me battrai pour leur offrir ce qu’ils méritent. Ce serait une fierté, non seulement pour moi, mais aussi pour l’ASEC Mimosas, car je suis un pur produit de ce club.

Penses-tu revenir un jour apporter ton expérience à ton club formateur, que ce soit en tant que joueur ou autrement ?

Ce serait un immense plaisir de revenir à la maison, là où tout a commencé. Si j’ai l’opportunité de le faire, je n’hésiterai pas une seconde.

J'imagine que tes parents sont encore plus heureux et fiers de toi en voyant que tu franchis un nouveau cap. De Koumassi-Soweto à Sol Beni, en passant par l'ASEC Mimosas, te voilà désormais en route (interview a été réalisée à quelques heures de son vol) pour la Suède, prêt à débuter une carrière professionnelle…

Ma famille est effectivement très heureuse, et moi aussi, je suis très heureux de les rendre fiers. J’aime profondément mes parents. C’est pour eux que je me bats. Je prie Dieu de me donner la force de les élever davantage, afin de leur offrir la vie qu’ils méritent. Une petite anecdote : déjà avec l’équipe professionnelle de l’ASEC Mimosas, quand les choses ne se passaient pas très bien et que je rentrais à la maison, leurs visages étaient souvent attristés. Ils fléchissaient les genoux pour prier, toujours dans l’espoir de me voir réussir.


Interview réalisée par Clement DIAKITE

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