Julien CHEVALIER (Entraîneur de l’ASEC Mimosas) : Revenir plus fort la saison prochaine

Avant de regagner la France pour des vacances bien méritées, le coach Julien CHEVALIER est revenu, pour les médias du club, sur la saison 2023-2024 de son équipe. Il donne les raisons des difficultés rencontrées et se projette sur le prochain exercice. Interview…

Comment qualifierez-vous cette saison 2023-2024, démarrée par un succès en Super Coupe FHB face à l’AFAD, puis une place en quart de finale de la Ligue des Champions, mais aussi la perte du titre de la Ligue 1 et de la Coupe nationale ?

Frustrante ! Car même si on s’attendait à rencontrer des difficultés avec la perte de la moitié de l'équipe type, nous espérions malgré tout parvenir à poursuivre notre serie de succès sur le plan local. On est frustré parce que, malgré tous les efforts fournis, et la bonne volonté, nous avons été confrontés à des difficultés prévisibles sans parvenir à les surmonter totalement. Mais, c'est peut-être arrivé plus tard que prévu, et le début de saison réussi à peut-être laissé penser que tout serait facile.

La qualification en tours préliminaires de la Ligue des Champions était la première échéance importante, malgré une courte préparation, et un bouleversement important de l'effectif. On a relevé ce premier défi et évité tous les premiers pièges de la saison, du 2e tour préliminaire aller à l'extérieur, suivi de la Super Coupe FHB, remportée face à l'AFAD, pour parvenir finalement à valider notre retour en Ligue des Champions. Tout cela uniquement par le travail effectué à Sol Béni, sans reprise des compétitions locales. Les clignotants étant au vert, cela a aveuglé et empêché certains de suffisamment se préparer aux difficultés qu’on devait rencontrer.

 

Qu’est-ce qui a manqué à votre équipe pour reproduire les performances au plan national, c’est-à-dire remporter la Ligue 1 et la Coupe nationale ?

Il nous a manqué beaucoup de choses, si on veut être sévère. Mais, j'ai souvent mentionné ce qui peut expliquer cette différence.En Coupe africaine, tout le monde joue pour tenter de se qualifier, la compétition est courte pour cela. Alors qu'en championnat, nous sommes souvent confrontés à des équipes qui veulent réussir un match nul, contre l'ASEC Mimosas pour se glorifier d'un exploit. Les espaces à exploiter sont donc très différents. Mais c'est la particularité du football, où plus souvent que pour d'autres sports, le meilleur peut se faire surprendre. Dans ce genre de rencontre, il y a besoin du talent, de l'efficacité, du petit truc en plus que nous n'avons pas su retrouver avec la modification complète du secteur offensif, cette saison. L'efficacité dans les situations offensives, devant le but, pour faire la différence nous a gênés tout au long de la saison. On a perdu des matchs pourtant largement dominés sur de petits détails. Mais ne pas parvenir à marquer, à finir nos actions et ainsi se mettre en confiance, a forcément pu installer du doute dans les esprits et on sait que le doute n'est pas toujours un très bon allié. Mais, là encore, avec l'ossature de joueurs qui a démarré la compétition, nous avons entamé le championnat en surfant sur la bonne dynamique, en étant leaders avec 6 victoires en 7 matchs.

Mais, c'est à ce moment-là que les difficultés ont commencé.

 

Que s'est-il passé à ce moment-là ?

Avec ce début de compétition national tardif, le rythme de la compétition était très intense, en jouant tous les 3 jours, pour rattrapper le temps perdu. Les joueurs n'ayant aucun répit, il a fallu commencer à faire tourner un peu l'effectif; car la Ligue des Champions allait reprendre et l'exigence augmenter encore; et automatiquement s'appuyer un peu plus sur des joueurs recrutés, moins habitués à ce niveau de compétition et à jouer sous les couleurs de l'ASEC Mimosas, où l'adversité est totale.

Et en plus, nous avons vécu nos premières contre-performances. C'est dans ces moments là que l'expérience peut aider et que le niveau réel se révèle. Être capable de rester fort, convaincu et de se relever quand on chute. Mais on a été confronté cette saison à des difficultés extra-sportives aussi. Et tout en même temps, c'était plus compliqué pour une équipe moins expérimenté que les saisons précédentes.

Les deux premiers couacs à Gagnoa (1-0) et contre la SOA (0-0), nous ont freinés sportivement. Mais on fait monter la pression autour de l'équipe alors que les 2 résultats ont été liés à des erreurs arbitrales plus qu'à des contre-performances sur le terrain. Au lieu de basculer en Ligue des Champions et les matchs en retard qui allaient saccumuler, on a pris 1 point sur 6 au lieu de 4 mérités (but refusé injustement contre la SOA) qui auraient changé bien des choses mentalement, en montrant la capacité de réaction du groupe après la frustration de Gagnoa.

Alors, les gens peuvent penser qu'on cherche des excuses parfois, mais la réalité est que l'évolution d'une équipe est influencée par tous les évenements qu'elle rencontre. Ce sont des moments importants qui ont peut-être fait entrer le doute dans certains esprits.

 

Pourtant, il y a eu la qualification en quart de finale de la Ligue des Champions. Comment avez-vous réussi cette performance alors que personne ne vous voyait à cette étape ?

Il y a bien eu des choses positives cette saison. Même si nous sommes tous déçus à l'arrivée. Il ne faut pas penser que nous, staff et joueurs sommes heureux de ne pas réussir à remporter les trophées locaux cette saison. On avait pris l'habitude de tout gagner. Mais, il y a des saisons où les choses ne tournent pas comme vous le voulez. Avec les échéances exigentes du début de saison et le nombre important de départs, il a fallu qu’on travaille avec une ossature de joueurs qui avait une petite expérience de la Coupe d’Afrique et du maillot de l'ASEC Mimosas. Cette ossature nous a servi de base pour construire une équipe compétitive pour le début de saison sur le plan international et national. L’intégration des nouveaux joueurs a peut-être été un peu freinée. Mais rappelez-vous qu’il nous a fallu trois ans pour retrouver une compétitivité africaine, ressortir des phases de poules, en Coupe CAF d'abord, puis revenir en Ligue des Champions, jusqu'en quart de finale.

De façons étonnantes, les seules semaines où le rythme se ralentissait c'était lors des semaines africaines, on pouvait donc remettre en place l'ossature de base qui a su nous amener à être la seule équipe qualifiée pour les quarts de finale dans toute l'Afrique avant la trêve africaine pour la CAN.

Mais cette ossature ne pouvait pas assurer seule les 49 matchs joués cette saison et répondre à toutes les exigences internationales et locales.

 

D’aucuns vous ont reproché, par exemple, le choix de laisser partir KARAMOKO Sankara, en milieu de saison. Que leur répondez-vous ?

Cela fait partie des décisions à prendre. Il ne faut pas individualiser le problème à Sankara. Nous l'avons utilisé au mieux, mais on a rencontré des difficultés avec lui, déjà en fin d'année 2023. C'est le cumul des mercato précédents qui a été difficile à compenser, pas le départ d'un seul joueur. Il s’agissait de l’avenir d’un joueur. Et dans ce genre de situation, il y a tout un contexte que nous maitrisons mieux que les gens de l’extérieur. Ce sont des décisions qui se prennent en tenant compte de tous les parammètres, du côté du joueu, du club, des situations contractuelles. Il faut que tout le monde le comprenne.

Il n'y a que de rares clubs, au monde, qui peuvent décider de ne pas laisser partir un joueur quand l'offre est respectable et intéressant pour tous les partis, et qui peuvent recruter selon leurs désirs uniquement. Et en Afrique, il y a également une hiérarchie financière selon les différents contextes nationaux. Ne pas l’accepter, c’est se tromper dans l’analyse et ne pas se préparer à adopter les comportements en adéquation avec les besoins et les contraintes pour faire évoluer le projet du club.

Je ne suis, sûrement, que de passage dans l'histoire du club, et je ne peux pas placer mes volontés devant les intérêts du club. Quand on accepte de travailler dans un club, on y travaille selon une politique de développement adaptée à celui-ci. Si on veut choisir les joueurs qu'on veut, il faut être à Manchester City, au Paris Saint-Germain, sinon il faut se battre tous les jours pour construire une équipe compétitive avec les moyens à disposition. On peut partir au sommet pour s'éviter ces difficultés, mais, ce sont aussi des défis passionnants à mener. Et on n’était pas si loin cette saison, malgré toutes ces difficultés de continuer à relever tous les défis. D'où notre frustration aujourd'hui. Il faudra analyser la saison, en tirer les leçons et tout faire pour tenter d'améliorer les choses, mais toujours en adéquation avec le contexte dans lequel on évolue.

 

Comprenez-vous le mécontentement des Actionnaires ?

Ça fait partie du jeu et c’est compréhensif. On est dans des rôles complètement différents. Les supporters rêvent de tout gagner, viennent au terrain pour espérer voir leur équipe gagner, et ont des analyses émotionnelles. Peu importe les ingrédients à disposition, l'ASEC Mimosas est la meilleure et va gagner car sa réputation n'est plus à faire.

Mais ils ne peuvent pas non plus m'en vouloir de ne pas être d'accord avec certains jugements, ou de ne pas adopter la même attitude sévère et négative car cela rejaillit sur le moral des troupes et leur confiance.Nous sommes acteurs des évènements et devons agir avec méthode, lucidité et responsabilité pour aider l'équipe, quand eux sont spectateurs qui anlalysent selon leurs émotions et leurs espoirs.

Notre travail à nous, c’est de digérer les choses différemment, en sachant déjà qu’en sport, personne n'est assurer de toujours gagner; que se sont les performances collectives qui vont le permettre. Les résultats dépendent de la collaboration de l'ensemble de la cellule sportive.

A l’ASEC Mimosas, on a l'habitude de gagner plus que les autres. On a su gagner malgré les évolutions des effectifs tous les ans, ces dernières saisons. On y prend goût facilement. Mais, tout compte fait, cette saison permet de mieux apprécier les performances réalisées auparavant par l’équipe et le staff. Être régulier dans la continuité, se remettre en question tous les ans pour continuer à gagner. Quand on gagne, on est plus attendu, il ne faut donc surtout pas dormir sur ses lauriers. On a su le faire pendant trois saisons. Donc il ne faut pas penser qu'on s'est relâché la 4e année, sinon on aurait même pas connu les bons moments africains de cette saison.

Mais cette saison, avec les chamboulements de l’effectif et trop d'autres difficultés et évènements qui ne se sont enchaînés comme nous l'aurions souhaités, on n’a pas su trouver la solution pour gagner encore sur le plan local. Je peux donc comprendre les Actionnaires qui sont mécontents, car ils veulent des résultats et s'enthousiasmer grâce à nous.

 

A vous entendre, l’équipe a régressé par rapport à celle de la saison dernière. Le recrutement est-il remis en cause ?

Il est évident que le niveau général de l’équipe est inférieur à celui des saisons précédentes. Et le bilan final n'en est que le constat mathématique. On a perdu moins de joueurs lors des saisons précédentes, même si c’étaient des joueurs importants. On a réussi à en remplacer deux ou trois chaque saison. C’était logiquement plus facile.

Cette année, on a perdu plus de la moitié de l’équipe. Recréer toutes ces relations prend du temps et demande beaucoup de travail. Avec la reprise de la Ligue des Champions avancée d'un mois, la CAN au milieu de la saison et le rythme effréné des matchs pour rattraper tout ça, on a eu moins de temps pour peaufiner les automatismes et faciliter l'intégration des nouveaux joueurs.

Lors du recrutement, certains joueurs se sentent prêts à venir l’ASEC Mimosas, pensent peut-être que porter le maillot sur le terrain, suffit pour gagner. Mais non, il a fallu s'employer chaque jour pour réaliser les performances récentes. Et on a pu constater cette saison que certains ont eu des difficultés à répondre aux exigences. Il faut parfois plus de temps à certains, mais sur la durée de la saison, on a ressenti des joueurs ne pas parvenir à hausser le niveau suffisamment.

Ce sont des paramètres qui font que l’équipe a été moins forte cette année. Ça ne veut pas obligatoirement dire que tous les joueurs sont mauvais, mais en renouvelant une équipe, on ne perd pas seulement ses meilleurs joueurs, mais on perd aussi les relations qui se sont créés et qui font que les joueurs se comprennent et que d'année en année, une équipe progresse.

 

Vous avez utilisé plus de 36 joueurs au cours de la saison. N’est-ce pas trop pour créer une vraie osmose entre eux ?

Toute l'année, j’entendais l’inverse, que c'était toujours les mêmes qui jouaient et vous me dites que j'en ai utilisé plus que les autres années. On a utilisé les joueurs qu’on pouvait utiliser. Certains n'ont joué que quelques minutes. On a eu des rotations à certains postes, attaquant par exemple, où on aurait préféré voir des joueurs se détacher, ce qui aurait été important mais, on n’arrivait pas à trouver le joueur capable d'apporter tout ce dont on avait besoin. Pour d'autres postes, la concurrence n'était peut-être pas assez consistante.

Mais, le vrai critère n'est pas le nombre de joueurs de l'effectif, mais d'avoir des joueurs d'une qualité suffisante pour s'imposer à l'ASEC Mimosas et pour faire gagner l'équipe rapidement.

Dans toutes les équipes du monde, il y a besoin de créer une ossature puis d'avoir des joueurs prêts techniquement, physiquement, et mentalement à apporter ce dont l'équipe a besoin, au moment voulu. On est peut-être un peu déçu de ce côté-là. On a pu constater tout au long de l'année que malgré certaines intégrations, nous n'avons pas fondamentalement vu de changements au niveau de nos difficultés dans les 30 derniers mètres, dans les autres secteurs, nous étions suffisamment performants.

 

Quels ont été, selon vous, les moments forts de la saison ?

Le plus grand moment qu’on a vécu fut cette qualification, dès le mois de décembre, en quart de finale de la Ligue des Champions. Être le premier club africain à se qualifier avec un groupe qui avait des limites, mais qui était volontaire, déterminé et qui n’avait que l’expérience des saisons précédentes acquises dans la difficulté, est à noter. Personne ne nous attendait à ce niveau. Comme l'an dernier après les 2 premiers matches de poules. Mais, notre capacité de résilience face aux critiques et notre volonté nous ont permis de faire ces performances depuis 3 saisons africaines.

Et il faudra s'en inspirer pour relever les défis de la saison à venir.

Cette année est aussi un révélateur de la qualité des performances réalisées au cours des dernières saisons qui montre bien qu’il faut travailler très dur pour y arriver.

 

Quel sera le défi majeur de la saison prochaine ?

Tous les ans, le défi à l’ASEC Mimosas, c’est de conquérir le plus de trophées possibles, quelle que soit la compétition. Il y a un véritable défi à relever parce que, encore une fois, on va devoir reconstruire largement l’effectif.

 

A quoi doit-on s’attendre l’année prochaine au niveau du recrutement, vu que plusieurs recrues n’ont pas eu assez de temps de jeu. Quels sont les compartiments qui devront être renforcés ?

Il y aura beaucoup de choses à corriger. Des évolutions seront apportées quasiment à tous les secteurs en fonction de nos manques.

Pendant ces deux ou trois saisons, on a su maintenir certaines bases. On a réussi, par exemple, à stabiliser le secteur défensif de la saison dernière. Mais, il est probable qu’il y aura des évolutions dans ce secteur-là aussi, maintenant. Tout comme le secteur offensif qui, on l’a vu, nécessite des renforts pas réellement trouvés cette saison.

Ces débats et les attentes sur le recrutement sont également compréhensibles. On essaie de trouver les meilleures solutions.

Mais, il faut avoir en tête que remplacer les meilleurs éléments est toujours difficile. Et quand le nombre est important, les difficultés sont multipliées.

Nous devons être astucieux pour trouver de bons joueurs. Car comme vous le savez, cela demande des moyens que nous n'avons pas pour atteindre les premiers choix sur le continent, sinon les joueurs ne quitteraient pas le championnat ivoirien. Si on a le deuxième choix, c’est déjà fantastique. Mais, on doit souvent aller chercher des joueurs moins aguerris et chercher avec plus de persévérance. C'est pour cela que le débat sur ma casquette de formateur ou d'entraîneur est amusant, car ici, il vaut mieux connaître les deux fonctions

 

L'ASEC Mimosas disputera la Coupe de la Confédération la saison prochaine, après une demi-finale en 2022/2023 et une place de quart de finaliste de la Ligue des Champion 2023/2024. On imagine que l'objectif sera le trophée, n’est-ce pas ?

Pour les supporters, c’est une certitude, mais pour nous, il s'agit de construire le plus vite possible un groupe capable de franchir d'abord la première étape des tours préliminaires, avant de se projeter vers les autres étapes.

Nous avons fini la saison, épuisés après onze mois de compétition et la pause sera très courte. Nous n'aurons que trois semaines de récupération. La première échéance importante sera le premier tour de la Coupe de la Confédération dès la mi-août.

Il nous faut reformer un groupe de joueurs prêts à travailler avec humilité et force pour relever les défis de l'ASEC Mimosas et aller chercher le plus de trophées possibles.

 

Un mot à l’endroit des Actionnaires, notamment ceux du ‘’Mur Jaune’’ qui, malgré tout, vous ont encore accompagnés, cette saison ?

J’ai toujours eu des mots à l’endroit du Mur jaune. Il faut féliciter ces animateurs et les remercier, pour le soutien et les efforts fournis tout au long de la saison, par leur présence à chaque match, même dans les moments parfois difficiles. Ces membres du Mur Jaune ont le droit d’être déçus parce qu’ils donnent de leur temps, de leur énergie et de leur cœur pour l’équipe.

J'ai été parfois un peu plus virulent avec les supporters de circonstances, notamment contre Simba SC, au Félicia, ou avec les supporters des réseaux sociaux qui eux, restent à distance, sans suivre l’équipe et ne s'occupent que de savoir si leur protégé a joué ou si l'équipe a gagné. Mais, vous savez que j'aime dire les choses.

 

Quelle sera la durée des vacances, sachant que la compétition africaine reprendra 16 août 2024 ?

Le 15 juillet, ce sera déjà la reprise sur le terrain. Voyez-vous, ça va arriver très vite. Après le déjeuner avec le PCA, Me Roger OUEGNIN, le lundi dernier, les joueurs ont été aussitôt mis en vacances. Le temps de repos sera très court et il faut qu’ils en profitent. Il faut bien récupérer pour revenir plus fort la saison prochaine.

NOS PARTENAIRES